La capacité du président Emmanuel Macron à nier les réalités qui balaient ses certitudes est extraordinaire et sans commune mesure. En toutes circonstances et sur tous les sujets. Chez lui, en France, perdre successivement plusieurs élections nationales et européennes est un puissant accélérateur de déni qui renforce son ego en même temps qu’il entretient les illusions qui l’habitent. Chez les autres, par exemple en Afrique, assumer les conséquences désastreuses - pour la France et pour son image personnelle à lui - de son incompétence en politique étrangère et dans la co-construction de relations saines avec une Afrique décomplexée lui est un supplice insupportable. Le ton et la teneur de son discours kilométrique du 6 janvier 2025 devant les ambassadeurs français du monde entier rassemblés à Paris, au delà des préoccupations géopolitiques légitimes de la France, est un ersatz d’éléments constitutifs de sa personnalité : suffisance, mauvaise foi, haute estime de soi, condescendance.
Dans le fond et comme souvent, Emmanuel Macron se révèle structurellement obtus et capricieux. Le logiciel mental qui lui sert de guide est comme un produit de l’intelligence artificielle qui sait quoi faire d’inintelligent et d’insensé face aux questions imprévues. Il est alors dans l’incapacité de reconnaitre la puissance des conditions objectives du déclin français au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Celles-ci sont d’abord à chercher dans l’inadéquation des choix diplomatiques de Paris avec les aspirations nouvelles et émancipatrices des populations africaines et de leurs pressions sur leurs gouvernants. Mais lui est dans la fuite en avant perpétuelle. Les canards boiteux, c’est toujours les autres.
Ce qu’Emmanuel Macron a dit de l’Afrique et des Africains (francophones) avec qui des deals post-coloniaux ont foiré n’est juste pas surprenant. Un homme d’Etat responsable, lucide et soucieux de prendre en compte les intérêts fondamentaux de ses partenaires de l’ancien empire colonial ne parle pas comme lui, n’agit pas comme lui. Mais la nature ne ment jamais qui revient toujours au galop là où il faut quand il faut. Des Africains se plaignent avec raison après avoir eu l’impression d’être insultés par le locataire de l’Élysée avec des propos et des allusions peu dignes d’un chef d’Etat en exercice ?
Il y a quelques jours, à Mayotte, en décembre 2024, il a dit aux Mahorais qui faisaient face aux destructions meurtrières du cyclone Chido : « Si c’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde. » De cette zone coloniale française « merdique » aux Etats sahéliens et ouest-africains « ingrats », le même fil conducteur mental arrogant et prétentieux a cru bon de déclamer ses sentences ultimes contre des peuples et partenaires qui assistent depuis 2017 - en direct - au discrédit irréversible de sa parole et de sa morale, en France et dans le monde. Il s’en fiche éperdument, ce « président des très riches », comme disait Francois Hollande de son ex-poulain qu’il traite par ailleurs d’« aventurier ». C’est dans l’ouvrage « Le traître et le néant. Macron : L’enquête » des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme.
A moins d’une élection présidentielle anticipée qui serait imposée par des circonstances politiques nouvelles, Emmanuel Macron semble avoir déjà fait ses adieux à l’Afrique et aux Africains, deux ans et quatre mois avant le terme légal du second mandat d’une présidence globalement chaotique. Des adieux de la pire des manières : par un règlement de comptes anticipé avec des ennemis qu'il n'a pas osé désigner ni montrer du doigt.
« Aventurier » (selon Hollande), « suprêmement habile » (d’après les auteurs), Macron a déjà préparé pour la France de ses amis milliardaires les terres de chasse des prochaines décennies. Il l’a réaffirmé dans son discours du 6 janvier 2025 : ce sera au Kenya (où se tiendra en 2026 le Sommet Afrique-France), au Nigéria (où il fait ami-ami avec le président Bola Tinubu), en Afrique du Sud et, plus près pour lui, au Maroc et dans le bassin de la Méditerranée. En Afrique francophone, ce qu’il reste de politiquement compatible avec les obsessions françaises continuera d’être fructifié, ou pas. Macron, lui, une présomption sans frontières en bandoulière, sera sans doute sur une autre planète pour continuer à ne « représenter que lui-même » et ses mentors de la finance. L’Afrique ? C’était peut-être un passe-temps qui a mal tourné…